Nasser

Gamal Abdel Nasser

Le retour de Ben Gourion au ministère de la Défense stabilise momentanément la vie politique et donne un peu d’air à Moshé Dayan. Dans une lettre qu’il écrit un mois plus tard, il explique que les choses sont plus faciles pour lui et pour tout ce qui relève des affaires de sécurité, que « les choses s’éclaircissent et avancent, et que des alternatives se dessinent de plus en plus. » Il comprend très bien que l’abîme qui sépare l’approche de Ben Gourion de celle du Premier Ministre Moshé Sharett sur les questions politiques et sécuritaires, est profond et ne peuvent converger. En 1955 la situation internationale au proche-Orient et l’état des relations d’Israël avec ses voisins, et en particulier avec l’Egypte, vont en se compliquant. Gamal Abdel Nasser, devenu président de l’Égypte, adopte une politique pan-arabe agressive. Comme le président inden Jawaharlal Nehru et le président yougoslave Josip Broz Tito, il opte pour une politique de neutralité dans le cadre de la guerre froide et commence à loucher vers l’est.

Après les morts de Qibya et plusieurs raids de représailles contre la Légion arabe de Jordanie, le commandement jordanien fait les efforts nécessaires pour que le calme revienne à la frontière. Les cas d’infiltrations violentes depuis la rive ouest (Cisjordanie) se font plus rares en 1954. Par contre les actes de sabotages et de meurtres à partir de la bande de Gaza ne cessent pas bien que les autorités égyptiennes s’opposent aux initiatives prises par les réfugiés palestiniens. Pourtant plusieurs opérations violentes ont été perpétrées par des agents au service du quartier général égyptien. Ils agissent en profondeur à l’intérieur du territoire israélien à des fins d’espionnage et souvent ils s’en prennent aux juifs qu’ils croisent. Deux jours après le retour de Ben Gourion au ministère de la Défense, une poignée d’espions venue de Gaza pénètre dans la région de Ré’hovot, sabotent des installations et tue un passant juif. En parallèle tout le pays s’émeut de l’exécution capitale le 31 janvier 1955 de deux des prisonniers du Caire, malgré les nombreux et continus efforts pour mobiliser des personnalités du monde entier en faveur d’un allègement des peines des détenus de l’affaire Habish et pour empêcher les exécutions capitales. À Jérusalem on a le sentiment que Nasser veut éviter les exécutions mais les condamnations à mort récentes d’activistes parmi les frères musulmans vont l’empêcher d’intervenir en faveur des juifs. Les détenus, dont la jeune Marcelle Ninio, sont condamnés à de lourdes peines de prison et les deux chefs du réseau Moshé Marzouk et Shmuel Ezer sont exécutés.

En réponse aux incursions à partir de la bande de Gaza, une unité de parachutistes attaque dans la nuit du 28 février un campement militaire et une station de chemin de fer dans la zone de Gaza. L’opération Flèche noire se transforme en un affrontement violent. Une unité égyptien et envoyée en renfort depuis e sud de Gaza et tend une embuscade. Les parachutistes sont confrontés à une forte résistance près du campement militaire égyptien. A l’issue du combat, on compte 38 soldats égyptiens tués et 31 blessés. 8 parachutistes israéliens sont morts.

La réaction de Nasser à ce raid est à l’opposée de celle des jordaniens. Au lieu de calmer le jeu à la frontière, il lâche les freins et les actes hostiles vont en augmentant. EN outre, il met sur pied une unité spéciale de Feddayin, c’est à dire « ceux qui sont prêts à donner leur âme à la guerre sainte », chargée d’actions de sabotage aux frontières d’Israël. Moshé Dayan a donc un problème. Il apparaît que la politique de représailles qui a partiellement fonctionné à la frontière jordanienne, échoue totalement à la frontière égyptienne. Dayan développe à présent l’idée que les actions de représailles peuvent s’apparenter à des enchères inversées : gagnera celui qui sera prêt à encaisser le prix le plus élevé. Israël doit donc accepter de choisir un prix plus élevé que l’autre camp, même si cela peut l’entrainer dans une guerre totale. Déjà au début de l’été 1954, il exprima cette opinion lors d’une visite chez David Ben Gourion, alors redevenu simple citoyen. A cette époque, Ben Gourion recevait des soins dans un hôpital et Dayan lui fit partager sa vision d’une politique offensive à propos des incidents de frontières. Quand Ben Gourion lui demanda s’il voulait la guerre, Dayan répondit clairement : « je ne souhaite pas que nous prenions l’initiative d’un conflit mais je m’oppose à toute concession sur une quelconque parcelle de notre territoire, et si à cause de cela les arabes voulaient entrer en guerre, je ne m’y opposerais pas. Leurs menaces ne doivent pas nous empêcher d’agir. »

 

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Nouvelle doctrine

Une autre évolution apparaît dans la pensée stratégique de Dayan. Il estime qu’en cas de guerre généralisée avec l’Egypte, il se peut que ce pays possède un avantage initial dangereux. SI les forces égyptiennes stationnées dans la bande de Gaza se lancent dans une offensive, elles débuteront la guerre à seulement 70 km de Tel-Aviv. Et comme il l’a dit à l’occasion d’un débat : « ils ne rencontreront personne sur leur chemin, à l’exception d’un couple d’amateurs cueillant des oranges dans un verger. »

A l’Etat-major et en particulier à celui de l’armée de l’Air une doctrine offensive est en train d’émerger depuis plusieurs années, qui est à l’opposé de celle en vigueur au sein de Tsahal depuis la guerre d’indépendance. Cette dernière peut se résumer à deux phases : d’abord contenir l’ennemi puis opérer un mouvement offensive. Dans la perspective d’une nouvelle guerre, les officiers de la planification et les aviateurs affirment qu’israël doit frapper en premier. L’armée de l’Air ne possède que trois aérodromes et une attaque surprise égyptienne au début du conflit pourrait sérieusement entamer la capacité de l’armée de l’Air à appuyer les forces terrestres. Israël doit donc impérativement débuter une guerre future par une attaque préventive.

Dayan estime qu’il faut trouver une occasion de faire sortir les égyptiens de Gaza et de se rendre maitre du carrefour de Rafia’h, situé à la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza. Il convient dans ce secteur de modifier les lignes du cessez le feu en les déplaçant dans une zone permettant à Israël de se défendre. Les historiens rapprochent cette conception de Dayan sur la modification des frontières avec l’Égypte de paroles qu’il prononça en juillet 1950 à l’occasion d’une réunion d’ambassadeurs : « La première phase du processus de création de l’État d’Israël en tant qu’état indépendant n’est toujours pas achevée car nous n’avons pas encore déterminé si la configuration territoriale de l’état est définitive. » Mais en 1955, ses plans militaires se concentrent uniquement sur un changement de la frontière sud. Au cours du printemps et de l’été 1955, il s’emploie à intensifier les répliques de Tsahal aux provocations égyptiennes, et dès l’automne il recherche réellement une confrontation de grande ampleur.

David Ben Gourion rend visite au moshav Patish le 26 mars 1955, deux jours après l’attentat

Néanmoins, il faut préciser que la première proposition concrète d’occuper la bande de Gaza fut formulée par David ben Gourion. Le 24 mars 1955 un groupe d’infiltrés venu de la bande de Gaza pénètre jusqu’à Patish, un moshav d’immigrants du Kurdistan dans les environs d’Ofakim. Les infiltrés ouvrent le feu à la mitraillette et lancent des grenades sur le public réuni pour la célébration du mariage d’un des jeunes. Une vingtaine de convives est blessée et Varda Friedman, une volontaire de Kfar Vitkin, qui avait répondu à l’appel de Ben Gourion de venir en aide aux villages des nouveaux immigrants, est tuée. Au cours du conseil des ministres réuni le lendemain de l’attentat, Ben Gourion en colère, propose de conquérir la bande de Gaza mais le Premier Ministre, Moshé Sharett, cristallise une majorité de ministres qui rejette la proposition.

Dans les semaines qui suivent l’attentat, les attaques en provenance de la bande de Gaza se poursuivent, avec la participation à présent d’unités de l’armée égyptienne. Ben Gourion, sachant qu’il est en minorité, ne parle plus de la conquête de la bande de Gaza. Il propose de proclamer que le cessez le feu entre Israël et l’Égypte est nul et non avenu. Cette fois-ci encore, Moshé Sharett réussit à mettre Ben Gourion en minorité lors d’un vote du gouvernement. Les réticences du Chef d’État-major Moshé Dayan à l’égard de la politique du Premier ministre se renforcent encore un peu plus.

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Le cessez le feu se noie

Le navire Bat Galim dans un port égyptien

Au début de l’été surgit un nouveau sujet conflictuel avec l’Égypte : la question de la liberté de navigation par le détroit de Tiran. Depuis la guerre de 1948, le passage par le canal de Suez est interdit aux navires israéliens. Puis graduellement le passage est également fermé aux navires étrangers qui transportent du fret vers les ports israéliens. Le dossier revient régulièrement devant le conseil de sécurité mais l’Égypte ne pas en considérations avis du conseil qui considère que le blocus n’est pas légal. Fin 1954, le ministre des affaires étrangères tente de relancer le sujet en envoyant un navire de pêche israélien vers le canal. Dayan s’était opposé au projet car il s’attend à ce que les égyptiens stoppent le navire et il ne voit pas par quel moyen militaire il pourrait empêcher l’action égyptienne. Et de fait le navire Bat Galim est arraisonné et ses marins sont emprisonnés. Seule la pression internationale parvient à forcer les égyptiens à les libérer au bout de plusieurs semaines. Le navire est confisqué et l’opération se solde donc par un échec d’autant que la fermeture du canal devient une réalité de fait contre laquelle il n’y a plus rien à faire.

Les 5 éclaireurs et les aviateurs de l’opération Yarkon. A gauche, assis sur l’avant d’un véhicule, Moshé Dayan. Photo prise à la fin de l’opération à Eilat.

Les égyptiens  affirment ensuite que le bras de mer vers Eilat fait partie de leurs eaux internationales et qu’ils ont le droit en tant que belligérant d’interdire la navigation de navires en route vers Eilat. Le ministre de la défense Ben Gourion est convaincu qu’Israël ne pourra s’en sortir qu’en brisant militairement le blocus. Il ordonne de commencer les préparatifs en créant un port à Eilat et en affrétant des navires capables de naviguer depuis l’Afrique vers la Mer rouge. Tsahal commence à réfléchir à une solution militaire du problème qui se traduirait par la conquête de Sharm el-Cheikh. Pour cela Dayan envoie au début du mois de juin 1955 pour une mission de reconnaissance particulièrement audacieuse cinq officiers sur la rive orientale de la presque ile du Sinaï. Ils sont chargés de vérifier la possibilité de faire passer une unité motorisée dans la zone montagneuse et caillouteuse qui va d’Eilat jusqu’à la pointe sud du Sinaï. L’opération Yarkon est complexe, combinant la marine et l’aviation. Le 9 juin la petite équipe se pose sur une plage déserte dans les environs du village de pécheurs bédouins Dahab et progresse à pied vers le nord pendant trois jours en empruntant des chemins de traverse alors que des forces égyptiennes les poursuivent. Ils marchent la nuit et se cachent le jour. La liaison est maintenue avec eux grâce à un avion dans lequel a pris place le commandant de l’opération, et qui plane au-dessus d’eux plusieurs fois par jour. A la fin de cette expédition exténuante, cinq avions légers se posent sur un terrain repérés par les éclaireurs qui sont récupérés moins d’une heure avant l’arrivée sur place des égyptiens. Le commandant de la patrouille de reconnaissance, qui est le commandant du bataillon 51, le lieutenant Asher Levi, obtiendra avec ses quatre compagnons, une citation spéciale de la bouche du Chef d’État-major, dans son bureau.

Afin de permettre à d’autres unités d’accumuler de l’expérience au combat, Dayan décide de confier l’exécution de la conquête de Sharm el-cheikh à la brigade Guivati et non aux parachutistes. Mais finalement l’opération ne sera pas lancée car le port d’Eilat est inexistant, aucune circulation maritime n’est envisageable sur le bras de mer. En réalité il est encore impossible à Israël de percer le blocus égyptien. Le sujet reviendra à l’ordre du jour dans 6 mois.

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La troisième Knesset

Deuxième président de l’État d’Israel

Les élections pour la troisième Knesset ont lieu le 26 juillet 1955. Moshé Dayan ne s’implique pas dans la campagne électorale, mais il ne respecte pas la règle qui interdit aux officiers de l’armée d’intervenir dans le débat politique. A l’occasion de ses rencontres avec des militants du mouvement des moshavim et avec quelques personnalités, il exprime son attente de voir remplacer les vieux dirigeants. Le Premier ministre Moshé Sharett se plaint auprès du ministre de la défense David ben Gourion du fait que le Chef d’État-major « incite la jeune génération à changer la direction du parti. » A l’issue de ces élections le Mapaï perd cinq sièges, soit plus de 10% de ses mandats. Les commentateurs imputent cette baisse à la politique accommodante et conciliante de Moshé Sharett sur les questions relevant de la sécurité. Néanmoins le Mapaï reste le seul parti en mesure de constituer une coalition et le président Its’hak Ben Zvi demande à David Ben Gourion de former le nouveau gouvernement. La formation du gouvernement s’avère difficile et longue, et pendant ce temps Sharett et Ben Gourion continuent à exercer leurs fonctions de Premier ministre et de ministre de la défense au sein d’un gouvernement de transition.

Vote de Moshé Sharett pour la 3ème Knesset
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Opération Elkayam

La tension à la frontière avec Gaza s’aggrave au cours de l’été. Aux incursions d’infiltrés à l’intérieur du territoire israélien, s’ajoute un embrasement général de la frontière. Une clôture a été dressée autour de la bande de Gaza. Israël matérialise la frontière fixée par les observateurs de l’ONU en creusant un sillon profond sur toute sa longueur. Du côté israélien un chemin de terre longe le sillon et est parcouru plusieurs fois par jour par des patrouilles motorisées afin de manifester la souveraineté israélienne sur la zone et protéger les agriculteurs. Moshé Dayan encourage les villages situés le long de la bande de Gaza à labourer leurs champs jusqu’au bord de la frontière malgré le risque d’être repérés depuis les positions égyptiennes situées en face. De temps en temps des bergers palestiniens franchissent le sillon afin de faire paître leurs troupeaux sur les champs cultivés des kibboutzim. Quand les patrouilles de Tsahal les expulsent, ils se vengent en posant des mines sur le chemin emprunté par les patrouilles. Il arrive donc que des soldats israéliens sont blessés par ces mines. Depuis les positions égyptiennes où sont principalement stationnés des soldats palestiniens appelés en renfort, on tire parfois sur les patrouilles et les agriculteurs qui travaillent près de la frontière. De son côté, Dayan demande à des unités de Tsahal d’être à l’affût et de réagir avec fermeté à toute tentative de harcèlement venue du côté égyptien ou palestinien. A la mi-avril, le kibboutz de Na’hal oz est bombardé et Dayan obtient le feu vert de Ben Gourion d’engager l’artillerie si des patrouilles de Tsahal sont prises pour cible. En attendant il autorise les troupes stationnées à la frontière à utiliser des mortiers sans attendre un ordre venu d’en haut et il ordonne d’attaquer la position égyptienne qui aura mis en danger la patrouille.

Eedson Louis Millard « Tommy » Burns avec Moshé Dayan en 1957

Le 30 mai les égyptiens et les palestiniens reprennent leurs bombardement contre Miflassim et Na’hal Oz, tuant deux habitants et en blessant quatre autres. Dayan fait bombarder à l’artillerie la zone d’où sont partis les tirs. Il se rend rapidement sur les lieux de l’attentat et demande aux troupes de se préparer à conquérir Gaza si la situation devait dégénérer, mais les égyptiens stoppent les tirs. Un calme relatif s’établit le long de la frontière durant les mois de juin et de juillet grâce à la mise en place d’un mécanisme de l’ONU sous la direction du lieutenant-général canadien E. Burns.

Dans la seconde quinzaine du mois d’août la tension s’aggrave brutalement pour atteindre son point culminant le 22 août. Le matin, une position égyptienne ouvre le feu contre une patrouille israélienne à proximité du kibboutz Miflassim. Son commandant qui a parfaitement assimilé les principales lignes directrices de Dayan, passe la frontière avec son unité et prend d’assaut la position ennemie. La riposte égyptienne ne tarde pas à se produire. C’est la première fois que Nasser fait intervenir une unité de kamikazes feddayin. Plusieurs escouades pénètrent le territoire israélien pendant plusieurs jours, s’attaquant à des civils et semant la terreur dans le sud du pays. Du 25 au 31 août, 16 israéliens sont tués dans la région. Dayan exige le lancement d’une opération de représailles. Mais comme il s’attend à ce que le gouvernement refuse une opération d’envergure, il propose de mener plusieurs opérations très ciblées : la destruction d’un pont sur la route Gaza, Rafia’h et l’organisation d’embuscades. Le gouvernement donne son accord mais le Premier ministre limite leur périmètre et n’autorise que l’emploi de quatre petites unités. Dayan prend acte de la décision et confie à Arik Sharon le soin d’engager l’action. Comme il en a l’habitude, il descend jusqu’à l’un des kibboutzim proches de la frontière, où Sharon a établi son poste de commandement avancé. Dayan veut rencontrer les soldats à leur retour afin de les interroger directement. A minuit passé et alors que les unités sont déjà en route vers leurs objectifs, le colonel Ne’hemiah Argov, le conseiller militaire de Ben Gourion, surgit et ordonne à Dayan de rappeler ses hommes. Car alors séjourne en Israël Elmore Jackson, le représentant à l’ONU de l’American Friends Society, une importante association de quakers, qui tente de faire progresser vers la paix Israël et l’Égypte. Sharret ne veut pas apparaître comme celui qui sabote cette mission par une opération violente au moment même où le délégué séjourne dans le pays.

Dayan est furieux. Il revient du front et présente sa démission au ministre de la défense. Il présente ses motifs de manière très laconique : « l’opposition entre la politique sécuritaire définie par le gouvernement et celle que j’estime nécessaire, ne me permet pas d’exercer les responsabilités attendues de la part d’un Chef d’État-major. » En temps normal cette démission aurait pu apparaître comme une pression illégitime de la part de l’armée sur le gouvernement. Cependant Ben Gourion qui s’apprête à redevenir le chef du gouvernement soutient Dayan et menace lui aussi de démissionner. Sharett fait machine arrière et autorise Tsahal à mener le lendemain une vaste opération. Dans la nuit du 31 août, les parachutistes attaquent un important poste de police fortifié, situé au coeur de la ville de Khan Younis, le détruisent entièrement, tuent 70 soldats égyptiens et en blessant une de 40 autres. Un seul parachutiste est tué.

Arik Sharon avec les parachutistes du bataillon 890 après l’opération Elkayam.

Au début du mois de Septembre il semble que la guerre pourrait éclater à tout moment. La zone frontalière est lieu propice à toute sorte d’engagement. Le 1er septembre deux avions Vampire égyptiens sont abattus au cours d’un duel aérien. Tsahal concentre des forces importantes en vue de la conquête de la bande de Gaza. Dayan fait renforcer la défense d’Eilat dans l’hypothèse d’une attaque égyptienne. ben Gourion fait passer à Nasser un message énergique dans lequel il menace d’attaquer la  bande de Gaza si les égyptiens ne mettent pas un terme aux raids des feddayin contre le territoire israélien. Finalement au bout de trois jours les esprits se calment. Les unités de feddayin retournent à leurs bases et les deux camps répondent à la demande du général Burns d’arrêter les tirs le long de la frontière. Quelques jours plus tard, Tsahal entame le retrait de ses troupes dans le sud.

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‘Haïm Laskov

‘Haïm Laskov en 1952, alors chef de l’armée de l’Air

Au cours ces jours de grande tension, le général ‘Haïm Laskov est nommé par Ben Gourion, chef des opérations et Chef d’État-major adjoint. Difficile de trouver deux personnalités aussi différentes par leur caractère comme Dayan et Laskov. ‘Haïm Laskov commanda une compagnie au sein de la Brigade juive qui combattit sur le front italien pendant la seconde guerre mondiale. Il apporta à Tsahal la tradition de l’armée britannique, autant ses avantages que ses inconvénients : la discipline formelle et rigoureuse, l’organisation efficace et l’ordre exemplaire. Il devint par la suite commandant de bataillon puis commandant de brigade pendant la guerre d’indépendance et se signala par sa bravoure. A la différence de Dayan, c’est une personne sociable et dévoué de tout coeur à ses amis proches. Sous une façade dure, se cache un caractère chaleureux et sensible. Dayan ne se réjouit pas de cette nomination et tente de convaincre Ben Gourion de conserver à ses côtés Meïr Amit. Mais le ministre de la défense, connu pour sa préférence pour les vétérans de l’armée britannique, apprécie Laskov. Il voit en lui un modèle de bon soldat et maintient sa décision.

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Les soviétiques débarquent

Fin septembre se produit un coup de théâtre qui va changer de fond en comble le destin du Proche-orient en général et celui d’Israël en particulier. Le 27 de ce mois, Gamal Abdel Nasser annonce la conclusion d’un contrat d’armement entre l’Égypte et la Tchécoslovaquie. Chacun comprend que c’est l’URSS qui manœuvre en coulisse. L’Égypte, jusqu’alors restée dans la zone d’influence occidentale, ouvre les portes du Proche-orient aux communistes. Il s’agit d’un profond bouleversement dans les minutieux équilibres définis dans le cadre de la guerre froide. Les britanniques et les américains sont ébranlés mais ils ravisent rapidement et tentent de réduire l’ampleur des dégâts pour conserver des relations correctes avec Nasser.

Mig 15 égyptien

Pour Israël ce contrat l’effet d’un tremblement de terre. car il crée une rupture dramatique dans l’équilibre des forces. Depuis la dinde la guerre de 1948, les trois puissances occidentales ont réussi à maintenir un fragile équilibre dans l’approvisionnement en armement lourd des états de la région. D’un coup, un pays arabe s’apprête à recevoir des avions de combat, des bombardiers, des chars, des canons, des contre-torpilleurs et des croiseurs armés de torpilles, en de telles quantités qu’Israël va se trouver en infériorité quantitative et qualitative problématiques. Pire encore, les soviétiques vont livrer aux égyptiens de l’armement d’un niveau technologique auquel Israël n’est absolument pas en mesure de répondre. Le Mig 15, avion de combat soviétique, qui va équiper très vite l’armée de l’Air égyptienne, est capable dévoiler à une vitesse et à une altitude bien supérieures que celles des avions britanniques dépassés possédés par Israël. La porte des canons des chars soviétiques est deux à trois fois supérieure à celles des canons des chars désuets israéliens.

Nasser s’efforce de réduire autant que possible l’impression de renversement d’alliance qui colle à sa nouvelle orientation internationale, en resituant ce contrat d’armes dans le contexte de sa confrontation avec Israël. Ainsi il prétend que l’attaque israélienne contre Gaza à la fin du mois de février 1955 l’a choqué et face à l’agressivité d’Israël et le refus de l’occident de lui fournir des armes, il a décidé de se tourner vers l’URSS. Il a été depuis démontré que l’intérêt des égyptiens pour l’armement soviétique précède l’opération de Tsahal à Gaza. La nouvelle orientation de Nasser est l’une des conséquences de la compétition pour la domination du monde arabe, qui s’est engagée avec la création de l’alliance pro occidentale de Bagdad, au centre de laquelle se trouve le chef de gouvernement irakien Nouri Saïd, principal concurrent de Nasser pour la direction du Proche-Orient. De plus, Nasser s’est pris de passion pour ce que l’on appelle le « neutralisme positif ». En avril 1955, lors de la conférence des pays non-alignés de Bandung en Indonésie, Nasser est apparu comme l’un des leaders du tiers-monde, à côté de l’indien Nehru et du yougoslave Tito. Le neutralisme positif se traduit concrètement par l’abandon de l’axe occidental ou profit de la sphère communiste.

Shimon Peres, David Ben Gourion et Moshé Dayan

Quelles que soient les motivations de Nasser, le contrat entre la tchécoslovaquie et l’Égypte frappe de stupeur Israël. Au cours des jours qui suivent les choses ne sont pas très claires. Depuis que Ben Gourion est revenu au ministère de la défense au début de l’année, il préside chaque semaine une réunion de son bureau avec le Chef d’État-major Moshé Dayan et le directeur de son ministère Shimon Peres, que Ben Gourion a surnommée son « État-major restreint ». Le lendemain de l’annonce du contrat d’armes se tient la réunion  hebdomadaire et le sujet est à l’ordre du jour mais les participants ne disposent pas encore des détails sur l’importance de la transaction et sur les types d’armements qu’elle inclut. La seule conclusion immédiate est pour l’heure d’envoyer en urgence Peres à Paris pour hâter un contrat d’armes qui était en cours de négociation avec les français depuis un certain temps. De son côté Dayan ne voit pas la nécessité d’annuler un voyage d’agrément de quatre semaines en Europe. Ce en quoi Ben Gourion l’approuve : « C’est pour toi le temps des vacances » lui dit-il seulement, l’interrogeant avec un ton badin pour savoir où il a trouvé des devises étrangères.

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Ra’hel Rabinovitch

Ruth et Moshé Dayan

Ruth, Moshé et un couple d’amis embarquent pour le port de Gênes. De là ils poursuivent leur voyage en Italie, en Suisse et en France. Ruth conservera un souvenir agréable d ce périple et raconta que leur amie s’intéressait beaucoup à l’art et ne renonça à aucun musée durant tout le voyage. « Moshé n’avait pas beaucoup de patience pour les musée mais il tint bon. » A cette époque les téléphones mobiles n’existaient pas et la chaine CNN n’émettait pas encore. La plupart du temps nos voyageurs sont isolés et Moshé apprécie d’être un peu libéré du joug des problèmes de sécurité qui l’ont accaparé au cours des derniers mois. Au bout  de deux semaines ils arrivent à Paris. Là Dayan rencontre Shimon Peres qui l’informe de ce qui se passe en Israël. Il apprend que Ben Gourion est alité et qu’il souffre d’un problème à l’oreille qui provoque chez lui des vertiges et qui l’obligent à resté couché pendant de longs moments. Mais surtout, depuis que les détails du contrat d’armement avec la Tchécoslovaquie sont connus, la tempête s’est levée en Israël. De toute part on exige une attaque préventive avant que les égyptiens ne reçoivent ces armements menaçants. Dayan rencontre le Chef d’État-major de l’armée française, le général Augustin Guillaume Il insiste auprès de son interlocuteur pour obtenir la livraisons d’avions Mystère, les seuls à pouvoir se mesurer avec les Migs russes, ainsi que des chars AMX13 équipés d’un canon moderne pouvant rivaliser avec les chars soviétiques bien que leur blindage soit plus léger.

Dayan ne peut pas terminer son voyage touristique comme prévu. Le 21 octobre il reçoit un premier télégramme de l’aide de camp de Ben Gourion : « Ce matin le Vieux s’est levé et sa première demande a été de te revoir. », suivi immédiatement d’un second télégramme : « le Vieux te réclame tout de suite. » Dayan qui avait l’intention de rentrer avec sa femme et ses amis avec un navire partant de Marseille, est obligé de les quitter pour s’empresser de monter à bord d’un avion pour Israël. Au cours du vol se déroule un épisode que Moshé lui-même décrira comme « l’évènement le plus important de sa vie privé. » Lors de l’escale à Rome s’installe à ses côtés une femme jolie, élégante, délicate, soignée et intelligente, épouse d’un avocat de Jérusalem. « Le Saint-bénit-soit-il qui unit les semblables dans le ciel, s’était donné beaucoup de mal sur terre pour nous faire nous rencontrer. » rapportera Moshé Dayan dans ses mémoires. Ra’hel Rabinovitch était assiste à l’extrémité de l’appareil mais un célèbre avocat qui était assis à côté de Dayan, lui propose de lui céder sa place plus agréable. « Je ne sais pas s’il s’est agit d’un coup de foudre » ajoute Dayan, « mais dès que je fis la connaissance de Ra’hel, il n’exista plus aucune autre personne avec laquelle je voulus autant me retrouver afin de partager mes joies et mes peines. Il semble que Dayan ne parla pas de cela avec Ra’hel pendant le vol. Elle même racontera :

Ra’hel Rabinovith devenue quelques années plus tard Mme Ra’hel Dayan

Moshé était à l’aise et agréable. Au à un moment donné im me demanda si j’avais un demi dollar car il voulait boire une bière. Moshé n’avait jamais un sous en poche. J’étais bien entendu impressionnée. A un autre moment il me dit que j’avais de jolies mains et me demanda si je faisais parfois des salades. Je répondis positivement et il ajouta : « épluches-tu également des oignons ? » Juste avant l’atterrissage, il me demanda s’il pouvait m’inviter à prendre un café un de ces jours. Je lui répondis que je l’inviterai volontiers à la maison. Alors il me demanda : « et tu poseras une nappe sur la table ? » C’était étrange mais je lui donnais mon numéro de téléphone.

Il semble bien que la distinction et l’élégance bourgeoise de Ra’hel l’impressionnent et s’opposent à l’attitude plus simple de Ruth.

Dayan a connu de nombreuses femmes dans sa vie mais il n’a connu que deux amours : Ruth dans sa jeunesse et Ra’hel à l’âge mur. Le chef de son bureau qui l’accompagna en mai 1956 lors d’un voyage éclair à Rome notera dans ses mémoires :

L’après-midi nous réussîmes encore à passer par la Via Babuino célèbre pour ses magasins de chaussures. À l’époque les sandales italiennes faisaient fureur en Israël; les sandales « bibliques » étaient déjà boudées par les femmes élégantes. Je remarquai que Dayan achetait trois paires de sandales de taille différente et qu’il demandait qu’elles soient emballées séparément. Je compris qu’il venait d’acheter non seulement une paire pour Ruth et Yael, mais aussi pour Ra’hel. Je me dis qu’apparemment c’était devenu une affaire sérieuse.

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Stratégie de la dégradation progressive

Yehoshafat Harkabi, chef des renseignements militaires israéliens en 1955

Le 23 octobre Dayan et Ben Gourion se rencontrent pour une discussion entre trois yeux dans une chambre d’un hôtel de Jérusalem où séjourne le Premier ministre pendant sa convalescence. Ils débattent de la politique de défense appropriée à la suite du contrat d’armement de l’Égypte. Aucun protocole n’est rédigé de cette rencontre mais à son retour à l’État-major, Dayan réunit son adjoint Laskov et le chef des renseignements militaires Yéhoshafat Harkabi pour leur rendre compte de son entretien avec le ministre de la défense et des directives qu’il a reçues.

Ben Gourion s’oppose à l’idée d’une guerre préventive. Il pense que les grandes puissances n’accepteront pas une telle initiative, en particulier le Royaume-uni qui serait dans l’obligation de respecter les alliances contractées avec plusieurs pays arabes en attaquant Israël. Néanmoins il partage l’avis de Dayan qu’Israël doit s’en tenir à ses intérêts même si cela l’oblige à employer la force pour cela, et même si l’Égypte réplique par une guerre de grande ampleur. Si cela devait se produire cela serait l’occasion de frapper l’armée égyptienne sans être perçu comme l’agresseur. En réalité il s’agit d’une politique susceptible de conduire très consciemment à une guerre totale. Selon les propos de Dayan, Ben Gourion lui a ordonné de planifier la conquête de la bande de Gaza et de l’est du Sinaï si les égyptiens réagissent trop fermement aux opérations de Tsahal.

Auparavant, le 12 septembre les égyptiens avaient à nouveau confirmé leur déclaration antérieure selon laquelle le détroit de Tiran se trouvait dans leurs eaux territoriales et qu’ils imposaient un blocus visant les navires à destination d’Eilat et les avions israéliens survolant cette zone. Cette revendication égyptienne viole les lois internationales, ce qui permet à Ben Gourion de conclure qu’Israël a le droit de lancer une action préventive. En complément des actions limitées déjà proposées par Dayan, Ben Gourion ordonne de préparer une opération visant à prendre le contrôle de Sharm el-Cheikh et à mettre fin au blocus.

Dayan interprète les directives du ministre de la défense comme un feu vert pour développer une stratégie de la « dégradation progressive » permettant dans le but d’entrainer l’Égypte dans un conflit : Selon Dayan, des provocations limitées mais suffisamment importantes pourront pousser Nasser à la faute sans que la responsabilité du déclenchement de la confrontation puisse être clairement imputée à Israël. Ce raisonnement se fonde sur l’estimation que dès l’été 1956 l’armée égyptienne aura achevé l’intégration de son nouvel armement, que Nasser ne devrait pas patienter jusqu’à ce qu’Israël obtienne un armement équivalent, qu’il profiterait donc de la première occasion pour attaquer. Il convient donc d’appliquer cette stratégie le plus tôt possible et avant que le rapport des forces soit tellement défavorable à Israël qu’il ne sera plus possible de le rééquilibrer.

Dayan réunit l’État-major et ordonne de se préparer à la guerre. Toutes les permissions de longue durée et les formations de perfectionnement des officiers en Israël ou à l’étranger sont annulées. Les soldats du Na’hal supposés passer l’année à venir à travailler à la ferme sont maintenus dans leurs unités combattantes. Les entrainements des soldats de réserve et de leurs officiers sont accélérées. Dayan propose même à Ben Gourion de rappeler les généraux Ygal Yadin et Mordekhaï Maklef, deux de ses prédécesseurs. Ben Gourion rejette cette proposition, rejet qui es interprété comme un soutien total envers Dayan. La machine de met en branle et une certaine frénésie s’empare de Tsahal qui commence à gonfler ses muscles. Dayan connait bien Ben Gourion et bien qu’il porte des Gvourot et qu’il prononce des discours agressifs à la Knesset, il sait que dans son fort intérieur Ben Gourion a encore des doutes pour tout ce qui concerne une attaque de grande ampleur. Quelques jours après qu’il ait donné l’ordre de préparer la prise de Sharm el-Cheikh, il dit avec un clin d’oei à ‘Haïm Israeli, le secrétaire de Ben Gourion : « En vérité, il ne veut pas cela. » Il prophétise sans le savoir.

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Opérations Eged et Har Ga’ash

Ariel Sharon et Moshé Dayan devant une parie du butin après l’opération Eged à Kuntilla, les 28 et 29 octobre 1955

Pour l’heure il ne s’agit que démener des opérations qui gagnent en importance mais qui restent des raids de représailles. Il ne se passe pas une semaine depuis l’entretien à l’hôtel de Jérusalem avant que Tsahal ne lance deux raids importants. Le 26 octobre 1955, une unité égyptienne attaque quelques soldats en faction à Be’erotayim situé sur flanc non défendu de Nitsana. Un soldat est tué et deux autres sont fait prisonniers. Il s’agit d’une réaction de solidarité des égyptiens à l’égard des syriens avec lesquels ils viennent de conclure une alliance militaire. Quelques jours auparavant, des soldats de Tsahal ont kidnappé un groupe de soldats syriens comme monnaie d’échange pour faciliter le retour de soldats israéliens retenus en captivité en Syrie mais les syriens refusent de les libérer. Nasser démontre sa détermination à répondre aussi aux attaques de Tsahal contre son allié syrien. En réaction à l’attaque égyptienne contre Nitsana, les parachutistes commandés par Arik Sharon attaquent une position égyptienne à Kuntilla, à 20 km à l’intérieur du Sinaï. 10 soldats égyptiens sont tués et 29 autres capturés, auquel s’ajoute un important butin d’armes prises sur le terrain. Mais la réponse attendue des égyptiens ne se produit pas. Le 2 novembre, le jour où Ben Gourion présente son nouveau gouvernement à la Knesset, Tsahal attaque avec de gros moyens des positions égyptiennes à Sab’ha à la hauteur de Nitsana, précisément à l’endroit où des éléments égyptiens ont pénétré de plusieurs centaines de mètres à l’intérieur du territoire israélien.

La position Lili, l’une des cibles de l »opération Volcan (Har Ga’ash) du 2 novembre 1955.

C’est l’engagement le plus important mené par Israël depuis la guerre d’indépendance. Une brigade entière est mobilisée pour l’opération. Elle prend d’assaut des positions en territoire ennemi, tue 50 soldats égyptiens et en capture 50 autres. Le matériel récupéré inclut des canons et des véhicules. Dayan espère que les égyptiens vont répliquer avec toute la puissance possible et il demande à Ben Gourion de pourvoir entamer le retrait des troupes que le lendemain matin et non avant l’aube comme cela est pratiqué habituellement lors des raids de représailles.

Ben Gourion reste prudent par rapport à tout geste qui pourrait être interprété comme de l’agressivité injustifiée de la part d’Israël. Il surprend donc Dayan en lui ordonnant le retrait immédiat des troupes. Le matin venu, comme prévu, les égyptiens lancent une contre-offensive sur les positions occupées la veille mais ils les trouvent vides. Les autorités égyptiennes n’hésitent pas à présenter leur opération comme un victoire et annoncent par l’intermédiaire des média que plus de 200 soldats israéliens ont été tués lors des combats. En réalité six soldats de Tsahal ont perdu la vie mais uniquement pendant la première phase de l’opération et non pendant la contre-attaque. La propagande égyptienne évite à Nasser de devoir répliquer à l’opération et cette fois encore l’emballement attendu ne survient pas. Dayan passe la nuit dans le poste de commandement d’Arik Sharon et s’entretient avec les soldats qui rentrent à l’aube du champ de bataille. Le lendemain il revient pour participer au débriefing organisé par Sharon avec les commandants de l’opération.

Pour cette opération, Dayan a insisté que soient associés des combattants issus d’autres brigades, même si son commandement est confié au commandant des parachutistes. L’une des positions a été conquise par un bataillon de la brigade Golani, appuyé par une compagnie du Na’hal. A cette époque, plus de 80% des soldats de la brigade Golani sont des nouveaux immigrants, en majorité originaires de pays orientaux et arrivés dans le pays au cours des trois dernières années. Lors de ses rencontres avec les commandants de l’opération, Ben Gourion est réconforté par les informations qu’il obtient. En effet il craignait que les nouveaux immigrants ne soient pas à la hauteur des attentes de l’armée comme le furent les natifs lors de la guerre d’indépendance. Sur le chemin du retour, il revient sur l’histoire de l’armée d’Hannibal qui n’était constituée que de « racailles issues de tribus africaines qui réalisèrent en réalité de grandes choses, une armée qui ne connut aucune révolte. Elle traversa les Alpes et fit face à la meilleure armée du monde, l’armée romaine qui était deux fois plus nombreuse, et la vainquit. » Dayan est peu front de ces rappels historiques; il est trop lié la réalité du temps et des lieux.

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