Premières infiltrations

Une autre affaire fut plus embarrassante. Près des côtes de la Méditerranée, à 15 km au nord de la bande de Gaza qui était restée aux mains de l’armée égyptienne, se situe la petite ville arabe de Majdal, conquise par Tsahal en novembre 1948. La majorité de ses habitants avaient fui vers la bande de Gaza mais il demeure encore près de 2.000 arabes dans la ville. Cette petite communauté palestinienne est isolée et éloignée de toute autre localité arabe d’Israël. Beaucoup d’habitants sont sans travail. De plus, de nombreux réfugiés résidant à Gaza s’infiltrent dans la ville pour rendre visite à leurs proches.Il arrive fréquemment qu’ils ne repartent pas et qu’ils s’installent définitivement sur place. Ces liens entre Majdal et la bande de Gaza deviennent dangereux car en plus des visiteurs pacifiques, s’infiltrent aussi des agents des services de renseignements égyptiens et des éléments violents qui commencent à s’en prendre aux habitants juifs de la région.

Dayan décide de déplacer les palestiniens de la ville et il leur propose de partir pour d’autres localités arabes au coeur de l’État d’Israël. Une partie des habitants accepte mais la majorité veut rejoindre ses proches dans les camps de réfugiés proches de Gaza. Par contre il ne leur est pas donné la possibilité de rester à Majdal. Le 14 octobre 1950, en coordination avec l’armée égyptienne, on les accompagne puisqu’a la frontière où les attendent des véhicules égyptiens. À la place de la ville arabe de Majdal vidée de ses habitants, on fonde un peu plus proche de la mer et à côté des ruines de la ville hellénistique, la ville d’Ashkelon,

Le kibboutz Gvoulot dans les années 50, situé à quelques km de la bande de Gaza

Les infiltrations de réfugiés de la bande de Gaza et des monts d’Hébron furent un problème constant qui mobilisèrent Dayan à de nombreuses reprises en tant que commandant du front sud. Au début il ne s’agit que de réfugiés qui campaient souvent dans le voisinage des villages dont ils avaient été éloignés pendant la guerre et qui y reviennent la nuit afin de cueillir les fruits qu’ils font murir ou récolter les céréales qu’ils ont plantées au début de l’hivers. Ils veulent aussi récupérer des affaires laissées pendant leur fuite précipitée par crainte des combats. Quand des juifs commencent à fonder des localités à proximité de ces villages, les infiltrés mettent la mains sur des biens de juifs et volent tout ce qu’ils peuvent : tuyaux d’irrigation, matériaux de construction, petit et gros bétail, et jusqu’à des moteurs, des appareils électriques. Ici et là, certains commencent à tuer des juifs qu’ils rencontrent par hasard sur leur chemin.

Dans les années 1949-1951, ce phénomène en est encore à ses débuts mais il va croître dans les années à venir. Dayan comme d’autres généraux, est enclin à prendre des mesures défensives comme la préparation des nouvelles localité à la défense, la construction de clôtures, la pose de mines et même l’organisation d’embuscades sur les trajets empruntés par les infiltrés. Quand Dayan aura atteint le sommet de la hiérarchie militaire, ce problème sera au coeur de ses activités et il prendre alors des mesures nettement plus offensives.

Le cas des bédouins est totalement différent. Au cours de ces années les tribus bédouines vivant dans le Neguev poursuivent leur mode de vie de bergers nomades. Ils dressent leurs tentes en poil noir de dromadaire dans les pâturages qu’ils trouvent pour leurs moutons et leurs chèvres. Quelqu’uns finissent par s’établir de façon permanente. Certains se consacrent à la contrebande de marchandises entre l’Egypte et la Jordanie. Dayan connait l’esprit des bédouins depuis son adolescence et il est enclin à les laisser poursuivre leurs activités qui sont les mêmes depuis la nuit des temps. Il explique que ce que les grands empires n’ont pas réussi à empêcher, Israël n’a aucune chance de le stopper. Il apprécie d’être invité dans leurs tentes pour un verre de café amer autours de ses déplacements à travers le Neguev.

Cependant les tribus nomades qui circulent entre les deux côtés de la frontière avec l’Egypte engendrent assez souvent des problèmes de sécurité. Elles sont pour la plupart hostiles à l’État d’Israël et peu enclines à reconnaitre sa souveraineté. Elles collaborent même avec les renseignements égyptiens et il leur arrive de participer à des pillages et à des meurtres. Du point de vue israélien, les membres d’Ezazma, l’une des tribus les plus importantes de la presque Ile du Sinaï, deviennent insupportables. La zone définie par les accords d’armistice comme démilitarisée, proche des ruines de l’antique ville nabatéenne de Nitzana, vraiment sur la frontière et au bord de la route traversant le Sinaï en direction du canal de Suez, est particulièrement sensible. Ce problème va l’importuner aussi dans le cadre de ses prochaines fonctions.

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