Un bandeau noir

Bien qu’il soit blessé et bien qu’il ait perdu un œil, Dayan revient de la bataille du pont de l’Iskandron avec une couronne de lauriers. Il pense que ce qui s’est passé ne doit pas stopper son élan vers le sommet de la Haganah. Cependant il apparaît rapidement que sa blessure est très difficile à soigner et qu’elle limite ses activités. Alors que d’autres camarades de sa génération gravissent toujours plus haut l’échelle du commandement de la Haganah, Dayan va rester sept ans sur la touche.

Hôpital Hadassah et Université du mont Scopus en 1938

Pour l’heure Dayan ne peut pas reprendre ses activités de commandement sur le terrain, même la moindre mission d’instructeur. Après que ses blessures aient cicatrisées, la famille Dayan s’installe à Jerusalem, ville où l’on pourra soigner son œil de manière plus efficace. Ils habitent chez les parents de Ruth. Chaque jour Moshé se rend au mont Scopus où l’organisation des femmes américaines, Hadassah, a construit un hôpital moderne. Le projectile qui a brisé les jumelles a aussi brisé les os autour de l’œil et au sommet du nez. Dayan est opéré à plusieurs reprises pour réparer les os et lui permettre d’accepter un œil de verre. Mais les dommages subis sont trop importants et malgré toutes les tentatives entreprises à Jerusalem et dans bien d’autres endroits, Dayan est contraint d’accepter de porter un bandeau.

Dayan a besoin d’une longue période d’adaptation. Il a du mal à lire, il peine à faire converger son regard et souffre d’importants maux de tête dont il n’arrivera jamais à se débarrasser. C’est une période de profonde dépression. Plus tard il se souviendra :  » Je me perdais dans de tristes méditations sur mon avenir. Une vie d’infirme sans métier et sans ressources.  » Quand Ruth lui apprend pendant sa convalescence qu’elle est enceinte, il lui rétorque énervé :  » Qui va s’intéresser à un homme ne possédant qu’un seul œil ? Je ne suis pas en mesure de faire vivre ma famille ; c’est impossible ! Nous ne pourrons pas accueillir un nouvel enfant.  » Il est persuadé que sa carrière de commandant de l’armée juive qui avait si bien commencé, est terminée.

« Du point de vue de la Haganah j’étais devenu un invalide non opérationnel. J’avais le sentiment que je ne disposais plus d’aucune aptitude à l’action militaire et que je devais rechercher n’importe quel travail de jardin de nuit d’un immeuble ou un truc de ce genre. Cela me rongeait sans cesse. Sur le plan physique j’étais foutu, inapte à tout ce qui touchait au combat. »

Son bandeau noir qui le fait ressembler à un pirate et qui effraie les enfants le tourmentera de nombreuses années même quand il sera devenu un symbole

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