Combats dans la vallée du Jourdain

A partir du milieu du mois d’avril la Haganah adopte une tactique qui va lui permettre de battre les palestiniens à plat couture. Les juifs conquièrent des pans importants de territoires attribués à l’état juif selon la décision l’ONU. De nombreux anciens compagnons de Dayan sont alors déjà à des postes de commandants de bataillons ou de brigades et ils combattent avec succès dans tout le territoire.

Shimon Avidan, premier commandant de la brigade Guivati

Ainsi Moshé Carmel, son compagnon de cellule à Saint Jean d’Acre est à présent le commandant de la brigade qui a conquis ‘Haïfa et qui opère en Galilée occidentale. Shimon Avidam, le commandant du département allemand durant la seconde guerre mondiale, est devenu le commandant de la brigade opérant dans la région de Tel-Aviv, sur la route de Jérusalem et dans le sud de la Shéphélah. Enfin Ygal Allon commande la brigade du Palma’h qui a conquis Safed et Tibériade et qui opère en Galilée.

Dayan est impatient. Il veut participer au combat de manière active. Au début du mois de mai, son mentor et ami; Its’hak Sadeh est chargé de constituer une nouvelle brigade qui doit devenir la première brigade blindée dès que les chars, acquis en Europe, pourront entrer dans le pays à la fin du mandat britannique. Dans le cadre de cette nouvelle brigade, il propose à Dayan de créer un bataillon de commandos, répondant ainsi à ses voeux les plus chers.

Carte décrivant l’offensive syrienne dans la vallée du jourdain

Le 15 mai, alors qu’il travaille à la constitution de son bataillon, cinq armées arabes envahissent le territoire d’Israël. L’armée syrienne attaque au sud du lac de Tibériade et s’approche de Dégania, le lieu de naissance de Dayan. Plusieurs forces sont présentes sur place : des combattants des kibboutz environnants , des unités de la brigade Golani et des éléments de la brigade d’Ygal Allon dépêchée en urgence dans le secteur. A eux se joignent des volontaires des moshavim de l’Emeq, dont de nombreux habitants de Nahalal. Le quartier général décide d’envoyer Moshé Dayan dans la vallée du Jourdain pour coordonner les actions de toutes les forces afin de freiner l’armée syrienne qui menace d’enfoncer le front dans ce secteur.

Avant son arrivée sur place, le 19 mai, les habitants des deux kibboutz proches de la frontière sont évacués. Les syriens conquièrent Tséma’h situé au carrefour des routes conduisant au sud vers Beth Shéan et à l’ouest vers Nazareth. Au centre de Tséma’h se trouve un poste de police fortifié qui tombe aux mains des syriens dès le début de l’attaque. La contre-offensive du Palma’h échoue. les syriens s’apprêtent à donner l’assaut sur Degania afin d’occuper le pont sur le jourdain et l’entrée du lac de Tibériade. Dayan comprend qu’il lui est impossible de reculer et qu’il doit stopper les syriens ici et maintenant.

Puisqu’on ne lui a pas limiter précisément ses compétences, il ne s’embarrasse pas avec les questions de formalisme et il fait comme il peut. Il nomme l’un de ses camarades de Nahalal commandant de Degania Beth, ce kibboutz dans lequel son père, 30 ans plutôt, avait incendié la baraque principale en fuyant les émeutiers arabes. A présent les deux Degania se trouvent sur la ligne de front face à une armée de métier équipée de canons et de chars. Dayan ordonne à un groupe de volontaires d’occuper une hauteur située à côté des bords du Kinnereth (Lac de Tibériade), au nord des kibboutz attaqués et sur un flanc de la force syrienne à l’assaut. On fait venir un canon léger de 20 mm capable de porter atteinte aux chars. En même temps une batterie de quatre canons de campagne désuets est positionnée sur une hauteur à l’ouest du Jourdain.

L’assaut des syriens contre les deux Deganiah durent neuf heures. Deux chars syriens arrivent à percer la clôture mais ils sont stoppés à l’aide de cocktails Molotov et par une roquette de type PIAT (Projectile Infantry Anti Tank) ; l’une des trois que Dayan a fait venir dans la vallée du Jourdain. A 1h de l’après-midi la situation s’équilibre et Dayan décide d’utiliser les canons de campagne. Ils ne sont pas équipés de dispositif de visée mais la précision du tir n’est pas ce qu’il y a de plus important étant donné que les syriens sont dispersés sur une zone assez large. C’est l’effet psychologique qui est recherché. C’est la première fois que des juifs utilisent des canons. Les syriens se replient dans toutes les directions et se replient à l’est.

Tsema’h vu depuis le poste de police pendant la guerre d’indépendance

Dayan résume ainsi le combat :  » Deux facteurs ont permis de briser l’offensive. L’assaut a été stoppé par les défenseurs des Deganiah et de Beit Yéra’h puis l’ordre d’évacuation donné par les syriens après que les obus de canons aient frappé l’immeuble de la police et les maisons de Tséma’h. » A la tombée de la nuit le front est redevenu calme et Dayan estime que les syriens s sont retirés de Tséma’h. Il part avec quelques soldats en direction du bâtiment de police et trouve la place « vide, sans vie et abandonnée. » A côté des corps de soldats syriens éparpillés sur le sol, ils trouvent les corps des soldats juifs tués lors de la première retraite et ceux de la contre-attaque ratée. le choc qui atteint Dayan à la vue de ces corps se reflète très bien dans ses écrits quelque peu emphatiques :

Un combat dur, tragique et déprimant. Beaucoup de sang jeune a coulé ici. Non pas du sang de soldats habitués à la guerre mais le sang de jeunes qui ont rencontré la mort les yeux grands ouverts. Les blessés ont été abandonnés gémissant sur le bord de la route. Leurs camarades pris sous le feu n’ont pas pu les panser et les rassembler. Face aux chars, aux canons et aux blindés syriens, les défenseurs ont combattu avec un armement misérable… Un peuple non préparé et non équipé pour la guerre. Ce fut un combat héroïque, désespéré, le dos au mur, le combat pour Déganiah.

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