Première bagarre

Rapidement sa gloire atteint des sommets lorsqu’il a l’occasion de prouver son courage à l’occasion d’un vrai combat. Les relations entre les jeunes de Nahalal et les membres de la tribu bédouine voisines sont fréquentes et même amicales. Néanmoins une crise éclate à la fin de l’année 1934 qui se termine en grosse bagarre. A la lisière du terrain acheté par les organisations sionistes pour les habitants de Nahalal passe une rivière dont les rives, dès les premières pluies, se recouvrent de pâturages verdoyants. Les bédouins avaient l’habitude de d’y faire paître leur menu bétail depuis des générations. Dans les premières années les habitants de Nahalal n’exploitent pas vraiment cette zone. En 1934, ils souhaitent y exercer leur droit de propriété. Ils décident de la labourer et d’y cultiver du riz et de l’orge. Les bédouins affirment que depuis longtemps ils ont acquis le droit de faire paître leurs troupeaux près de la rivière en hiver. Afin d’exécuter le labour le plus rapidement possible, on mobilise la plupart des jeunes du moshav. Les bédouins mobilisent également leurs jeunes; la rixe est inévitable. Moshé Dayan s’est préparé pour l’ensemencement. Il enjambe les sillons tout frais, disperse les graines d’un mouvement de main naturel, sans reculer face à la pluie de pierres que les jeunes bédouins, qu’il connait pour la plupart personnellement, lui envoient. La bagarre se déclenche quand il atteint leur ligne et l’un des bédouins le frappe à la tête avec un gros gourdin. Moshé s’évanouit et de sa blessure béante et profonde s’écoule beaucoup de sang. Il est transporté dans la maison de ses parents et couché dans sa chambre. Pendant ce temps la police est arrivée et a mis fin à la bagarre.

davar-22-decembre-1934
Article sur la bagarre paru dans Davar, le 22 décembre 1934.

Le courage de Dayan et le récit de sa blessure sont sur toutes les lèvres. Ce récit est repris par la presse quotidienne. Pendant plusieurs jours celle-ci continue à traiter de la rixe avec des formulations patriotes et véhémentes, condamnant la méchanceté et la sauvagerie des arabes. Dayan n’aime pas ces expressions. Il comprend qu’il ne s’agit pas d’un déchainement nationaliste mais d’une bagarre caractéristique de la querelle traditionnelle entre les agricultures et les éleveurs, opposition dont les origines remontent à l’histoire de Caïn et Abel. De telles altercations éclatent régulièrement même entre les bédouins et les fellahs arabes. Bien plus tard, à propos de cet incident, il dire : « Il était clair à mes yeux que nous voulions, eux et nous, la même chose. Cela ne les rendait pas plus mauvais pour autant. »

Image