La garde rapprochée

Comme cela arrive fréquemment à l’armée, les officiers du bureau de Dayan souhaitent obtenir un avancement dans leur carrière militaire et sont remplacés chaque année ou tous les deux ans. Il en va de même des secrétaires. Mais Noam le chauffeur restera à son service pendant tout le temps que Dayan passera à l’État-major. Noam avait combattu durant la guerre d’indépendance, y avait été blessé et souffrait depuis d’un léger handicap. Il avait trouvé un job de chauffeur à l’État-major et avait roulé sa bosse jusqu’au bureau du chef d’État-major. L’habile chauffeur est particulièrement taciturne vénère Dayan, et est prêt à tous les efforts pour lui rendre service.

Mais il semble que de toute cette petite équipe, c’est à la personne de Néoura Matlon (Matlon-Berna’h après son mariage) que Dayan se sent le plus lié. Elle avait suivi un cours d’officier à la fin de son service militaire puis avait été transférée au bureau du chef des opérations  avec sur ses épaulettes le grade de sous-lieutenant. Néoura est une jeune femme rousse, élevée dans un kibboutz proche de Nahalal, intelligente et d’une intégrité extraordinaire. Sa fidélité et son affection pour Dayan sont très fortes ce qui ne l’empeche pas d’être critique à son égard et d’exprimer clairement et plus d’une fois son opinion en face à face. Bien qu’elle orientera la suite de sa carrière vers les soins médicaux, qu’elle fondera une famille sympathique, elle reviendra et se portera volontaire pour être aux côtés de Dayan lors des périodes importantes de sa vie et jusqu’à sa disparition. Plus tard, Néoura rassemblera ses souvenirs dans un livre saisissant « une bonne place de côté ». On découvre dans ce livre quelques unes des meilleures évocations de Dayan, de sa vie au quotidien. Au début du livre elle décrit ses premières impressions lorsqu’elle pénétra pour la première fois dans son bureau :

Le bureau du chef des opérations ressemblait à une tente d’un poste de commandement au milieu d’un campement militaire. Des tables et des chaises étaient dans un état lamentable. Le commandant se comportait comme s’il était sur le front. Il arrivait le matin avec des vêtements propres et repassés mais dès la mi-journée il ressemblait à un soldat revenant d’un entraînement /// problème page 88 #.

Elle ajoute plus loin :

L’île bureau de Moshé Dayan etait spacieux mais presque vide. Il était assis au bout d’une table de campagne recouverte d’une couverture militaire et un plateau de verre posé par dessus. A son arrivée à l’État-major il s’était débarrassé de la magnifique table de conférence ete des chaises qui l’accompagnaient. En conséquence, avant chaque réunion incluant de nombreux participants, il fallait récupérer des tréteaux et placer dessus des plateaux en bois, les recouvrir avec des couvertures militairses et ajouter des chaises défraîchies. A la fin de la réunion, nous exécutions le travail inverse jusqu’à l’entrepôt au bout du bureau.

Shabtai Teveth avec Moshé Dayan et David Ben Gourion en 1972 pour la sortie de sa bibliographie.

À cette époque Dayan entreprend de créer autour de sa personne une ambiance débarrassée de tout formalisme et pouvant aller jusqu’à l’espièglerie. Il prend ses repas dans la salle à manger des officiers et non à son bureau, à l’inverse de ses prédécesseurs. Il Afin de profiter de quelques rayons de soleil, il n’hésite pas à entamer des rencontrer dans les escaliers de ses bureaux. Le biographe de son début de carrière, Shabtai Teveth, raconte que Dayan avait l’habitude de chopper des oranges dans les vergers qu’il traversait et de les offrir à ceux qui l’accompagnaient. Un jour, alors qu’il revient à l’État-major avec deux oranges dans les mains, il les lance à l’officier de garde qui lève la main pour le saluer et lui crie : « attrape ! ». Teveth ajoute et commente : « Dayan affirmait sa présence par de tels gestes. » Et de fait, les premiers mois passés, quand les commentaires médisants à l’encontre de ce chef des opérations un peu bizarre s’estompent, Dayan ne ressent plus le besoin de marquer son territoire. Les réunions se déroulent dans son bureau, il ne jette plus d’oranges aux soldats en faction et il finit même par accepter de passer en revue la garde lors de ses visites des unités sur le terrain.

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