
Au début du mois de mars 1949 débutent des discussions officielles entre une délégation jordanienne et une délégation israélienne à l’hôtel des roses, là même où vient d’être signé l’accord d’armistice avec l’Egypte. Là aussi, Reouven Shiloa’h et Moshé Dayan représentent Israël. A la tête de la délégation jordanienne se trouve l’officier le plus haut gradé de la légion arabe, le colonel Ahmed Tsadki El-Djundi. Les pourparlers sont dirigés par Ralph Bunche qui a remplacé le comte Bernadotte en tant que médiateur de l’ONU. Afin de surmonter les divergences d’opinion le médiateur entreprend de trouver des formulations suffisamment vagues que chaque camp peut interpréter à sa manière. Il croit que lorsque l’armistice sera consolidé et que les deux parties se seront habituées à cette nouvelle situation, on trouvera aussi des solutions aux questions en suspens. En fait il se trompe et ces paragraphes brumeux seront le foyer de conflits sans fin.

Dayan profite du paysage, des antiquités de Rhodes et des papillons qui abondent à l’approche du printemps dans la célèbre vallée. Mais il s’impatiente parce que les délégués jordaniens n’ont aucune capacité à décider par eux-mêmes. En Israël Tsahal se prépare pour l’opération visant à occuper la bande de territoire réclamée à l’ouest de la Samarie. Cette opération est préparée dans l’hypothèse d’une tentative par les jordaniens d’occuper le nord de la Cisjordanie dans avoir obtenu l’autorisation du gouvernement israélien. Afin d’accélérer le processus et d’éviter une crise, Dayan s’envole pour Jérusalem. Lors de sa rencontre avec le roi, Dayan lui présente poliment et cordialement les revendications d’Israël mais il refuse de marchander. Ce n’est qu’à la rencontre suivante, alors que le roi est entouré de plusieurs ministres du gouvernement, que le front du refus se fissure. Cette fois-ci Dayan est accompagné du chef des opérations de Tsahal, Ygael Yadin et Yehoshafat Harkabi, membre éminent des renseignements. Dayan dit au roi :
Voici trois membres de l’armée israélienne qui perdu un frère au cours d’une guerre que nous n’avons pas voulu et qui a été déclenchée par les états arabes, dont la Jordanie qui nous a attaqués. Il eut été préférable de parler de concessions et de compromis avant la guerre afin de l’éviter. Maintenant il faut en supporter les conséquences et y mettre fin.

A la fin de la discussion, le roi fait apporter un bouquet de roses, en donne à chacun des israéliens et leur déclare : « Cette nuit la guerre est terminée et nous apportons la paix. » Le lendemain, Dayan revient à Rhodes avec une seule option : la signature d’un accord. Les discussions avec le roi se poursuivront encore pendant deux ans, et seront interrompues sans aucun résultat, jusqu’en juillet 1951 quand le roi est assassiné par un nationaliste palestinien à sa sortie de la mosquée El-Aksa sur le mont du Temple à Jérusalem.

Exploitant l’atmosphère positive du début créée par le roi dans les relations entre la Jordanie et Israël, Dayan parvient à conclure un accord sur un modeste échange de territoires qui permet à Israël d’étendre sa souveraineté sans discontinuité sur toute la voie ferrée jusqu’à Jérusalem. Il s’en suit que le village arabe de Beit Tsafafa situé sur les pentes sud-ouest de Jérusalem est coupé en deux. Ses habitants s’opposent à cette situation et un incident armé éclate au cours duquel un soldat israélien est tué. Dayan transmet un message cinglant au roi et celui-ci envoie des officiers de confiance pour délimiter et marquer avec des soldats de Dayan la nouvelle frontière. Le village restera divisé entre Israël et la Jordanie jusqu’à la conquête de sa partie orientale au cours de la guerre des six jours. L’accord sur la voie ferrée est considéré comme une réalisation importants qui est portée au crédit de Moshé Dayan. Ben Gourion ne tarit pas d’éloges à son encontre. Dayan est à présent reconnu et particulièrement estimé par le Premier ministre et ministre de la défense. Il est promis à des responsabilités encore plus importantes.