
Dayan, pessimiste par nature, ne se fait pas d’illusions. Avant même de prendre connaissance de la sentence, il s’est préparé au pire. La veille du jugement, le 29 octobre, dans une lettre qu’il lui écrit, il demande à Ruth qu’elle lui envoie un dictionnaire anglais-hébreu., une grammaire anglaise et des livres de lecture en anglais. Dans la suite de la lettre, il écrit : « Ce serait bien que parmi ces livres, certains soient écrits avec des grands caractères car à l’approche du soir, il fait déjà sombre dans la cellule, en particulier en hiver. » Il accueille la sentence avec beaucoup de sang-froid.
Il n’a aucune influence sur son destin car tout dépend de ce qui se passe à l’extérieur. Il consacre l’essentiel de son énergie à la lutte quotidienne pour améliorer ses conditions de détention. Les prisonniers élisent un comité chargé de représenter leurs intérêts. Moshé Carmel est à la tête de ce comité et Moshé Dayan est le délégué aux relations avec le commandement britannique. Dans ses mémoires, Dayan se rappellera :
« La famille considérait l’emprisonnement comme une catastrophe terrible et prenait le deuil. Je tentais de me concentrer sur l’amélioration de nos conditions de vie en prison et dans me efforts pour recevoir des lives d’étude et profiter de mon temps libre. Saint-Jean d’Acre n’était pas une maison de repos, mais ce n’était pas non plus un lieu où l’on croupissait, où l’on perdait son humanité. À mes yeux, il s’agissait d’une affaire temporaire, ni agréable pour celui qui etait à l’intérieur et ni facile pour celui qui etait à l’extérieur, mais sans que ce soit une raison pour se perdre dans la mélancolie. La prison faisait partie du combat.
Le leadership sioniste fait pression aussi bien à Londres qu’à jerusalem, mais sans enthousiasme. Car alors, l’ordre des priorités fixé par Ben Gourion placé en premier le combat les limitations imposées à la poursuite de l’entreprise sioniste dans le pays et la conclusion d’un accord sur l’enrôlement de juifs dans l’armée britannique au sein d’unités juives spéciales. Ben Gourion craint qu’assumer officiellement que la Haganah est dirigée par le mouvement sioniste et que les prisonniers ont agi en son nom, nuisent à des objectifs plus importants, et finissent pas saboter la relance de la collaboration avec les autorités. Dans son journal intime il écrira : « L’emprisonnement des 43 jeunes hommes risquent de compromettre la réalisation du programme d’enrôlement de juifs dans l’armée britannique. » A Shmuel Dayan qui vient pour le convaincre d’aider les prisonniers, il dit avec une absence typique de sensibilité : « En quoi est-ce un drame si les jeunes restent emprisonnés quelques années ? » Avec le recul, on peut concéder que Ben Gourion avait raison. L’amélioration des relations avec les anglais entrainera la libération des prisonniers, mais Shmuel est offensé par les propos de Ben Gourion et lui en gardera rancune pendant de longues années.
En conséquence, les efforts de la directions sioniste sont modérément efficaces. Le haut représentant anglais réduit la peine à 5 ans. Au mois de février 1940, les prisonniers de la Haganah sont transférés dans une prison « agricole ». Les conditions s’améliorent de manière très sensible. Ils sont hébergés dans des baraques et sont affectés à des travaux dans la station expérimentale agricole dépendant de l’administration. Le combat pour leur libération se poursuit mais la lumière ne semble pas encore visible au bout du tunnel. Dayan se souviendra plus tard : « les souvenirs du passé leur importaient bien plus que la préparation du futur. La date de la libération devenait une affaire de foi, détachée de toute logique politique objective. »